Les"Pourrisseurs"...
Ceux que les Pieds Noirs lucides appellent les « pourriseurs », avec leur poids, leur rayonnement, leurs pouvoirs, leurs coures, leurs courtisans, leurs hommes de main, leurs alliances, leurs intrigues.
Ont-ils contribués à faire l'Algérie ? C'est certain !
Ont-ils contribués à pourrir l'Algérie ? C'est certain aussi !
La Présence française en Algérie a favorisée un développement partiel du pays au profit d'une minorité de notables soucieux de défendre leurs immenses privilèges.
Ces hommes, la plupart du temps résidant en France, étaient peu nombreux mais maîtres économiquement du pays. Ils formaient un véritable lobby représenté à Paris par René Mayer et Henri Borgeaud.
En 1954, l'Algérie produisait 12 millions d'hl de vin, 692 000 t. de phosphates, 1 200 000 q. d'agrumes, 205000 t. d'alfa avec un chiffre d'affaire de 13 milliards. Les plantations de tabac couvrent 28500ha, un gisement de gaz annonce une grande aventure.
22000 colons se partagent alors 3 500 000 ha, 7000 d'entre eux détiennent des domaines de plus de 100 ha et accaparent plus de 2 millions d'ha soit 87% de toutes les terres cultivables.
A cette époque 13% des enfants arabes sont scolarisés.
Pour ces partisans acharnés du maintien de l'Algérie dans son statut, dont le chef de file et porte de voix était Amédée Froger,
le mot même de « réformes » est « inélégant » et inoportun.
Ces grands seigneurs du colonialisme, hommes sans lesquels il n'y a pas d'empire, mais par lesquels, inéluctablement, les empires finissent par sombrer,
ne représentaient que quelques familles qui de tous temps, firent et défirent jusqu'en 1958, tous les jeux de la politique algérienne,
aussi bien dans les plus petits villages du bled qu'à l'Assemblée Algérienne ou qu'à l'Assemblée Nationale française.
Prétendant les défendre, ils allaient mener les Pieds Noirs au drame.
En 1954, quand éclate la rébellion, l'Assemblée Algérienne, née du statut de 1947, est appelée « la chambre verte ». Les agriculteurs, musulmans et européens y sont beaucoup plus représentés que les populations urbaines.
La plus grosse masse du budget allait à l'agriculture qui comptait 22000 colons sur une population européenne de près d'un million d'âmes.
Sur ces 22000 colons, une grande majorité vivait au dessous du seuil de la pauvreté.
Contrairement à ceux qui feront naître une légende qui voulait que chaque pieds noirs fut un colon milliardaire qui amenèrent le pays à la ruine,
ces petits agriculteurs furent les véritables artisans de l'Algérie des campagnes,
très proches de leurs ouvriers arabes et de leurs familles
et par conséquent les premières cibles et victimes de la rébellion.
Symbole de l'énergie, du courage, de la persévérance, la cinquième génération de ces entêtés petits colons allait pouvoir cette année là, « Le 131 ème été »,
espérer peut être une récolte convenable, récolte qui n'aura pas lieu.
En choisissant la politique du pire, l'Algérie algérienne du FLN se coupait de ceux qui auraient pu assurer la continuité.
Germaine Tillon, ethnologue communisante et partisane de l'indépendance de l'Algérie donne des chiffres précis de l'implantation du grand colonat et confirme que l'Algérie de Papa, boutade ou réalité partielle donnera naissance à un mythe, repris et divulgué par une presse partisane qui en fit une légende gobée et consacrée par 50 millions de français.
Le domaine de la Trappe à Staouéli
Borgeaud,
seigneur de la Tappe, était à lui seul une véritable institution.
Avec 1000ha à Staouéli, 80 000 hl de vins par an, propriétaire des usines Bastos, de cimenteries, d'industries alimentaires, important actionnaire de banques et ainsi de suite... « En Algérie, à cette époque, on boit Borgeaud, on fume Borgeaud, on emprunte Borgeaud. » Cet ultra-conservateur disposait à Paris de moyens de pressions considérables pour mettre en place de hauts fonctionnaires comme ce fut le cas pour Jean Vaujour, chef de la police d'Algérie.
Humainement au dessus de tous les personnages de son rang, Borgeaud avait la meilleure réputation du gang des grands colons de l'Algérie coloniale . Il devait laisser sur son entourage une empreinte teintée de paternalisme et était fort apprécié de son personnel.
L'alfa, 13 milliards de C.A annuel
Blachette,
le roi de l'alfa, autre richissime propriétaire vend la plus grande partie de sa récolte aux papeteries anglaises.
Actionnaire de nombreuses entreprises, il s'était taillé une réputation libérale dont personne n'était dupe.
L'Alfa pousse en grosses touffes espacées sur les hauts plateaux. Les indigènes vêtus du classique burnous blanc arracheront l'alfa et le chargeront à dos de chameau. Il sera ensuite expédié en France et surtout en Angleterre. On l'utilise dans la fabrication de la pâte à papier.
13 millions d'anciens francs étaient le rapport d'une année de récolte d'alfa. Plante qui pousse à son gré et sur laquelle le roi de l'alfa paye une redevance de 75 centimes par tonne jusqu'à 100 000 tonnes et 25 centimes par tonne excédentaire. Jusqu'en 1956 cette redevance ne sera pas augmentée. Blachette vit entre Alger et Paris où il loue à l'année une suite « Au Prince de Galles ».
Propriétaire du Journal d'Alger, Blachette joue le jeu des libéraux.
A l'Assemblée Nationale il dispose de 14 voix dont il est absolument sûr.
Refusant une place de ministre, il pousse son dauphin, Jacques CHEVALLIER qui deviendra sous secrétaire d'état et maire d'Alger.
La campagne électorale de CHEVALLIER pour la mairie d'Alger sera :
« Un toit pour chacun. »
En, fait on allait poser ce toit, sur des murs dont les pierres provenaient des carrières Blachette à Forcalquier.
Pierres que, par pleins bateaux, on transporte jusqu'à Alger, alors que la ville blanche dispose d'une carrière, située à flan de colline à Bab el Oued.
Raymond Laquière.
Vieux renard de la politique, maire inamovible de St Eugène, banlieue résidentielle d'Alger, n'était pas un fanatique défenseur de l'Algérie Française. Il rêvait plutôt d'une Algérie indépendante dont il aurait été le personnage numéro un. Mégalomane, démagogue, Laquière se prenait véritablement pour le personnage essentiel de l'Algérie.
Jacques Duroux,
Puissant sénateur, propriétaire de l'Echo d'Alger, journal de gauche, des Moulins de l'Arrach, des Cargos Algériens, du Domaine de Ben Dallibey.
Son fils, défaitiste pour les uns et lucide pour d'autres, transféra la majeur partie de ses biens au Canada.
Le journal d'Alger après avoir été le journal du front populaire devint celui de l'Algérie Française.
Le beau fils de Jean Duroux, Alain de Sérigny allait devenir avec « L'Echo d'Alger », le plus grand défenseur de l'Algérie Française en donnant chaque jour une version partisane des réalités algériennes, poussant les populations à se raidir contre toutes réformes.
En Oranie Pierre Laffont, dans le constantinois Léopold Morel ou Gratien Faure furent les moteurs de leur département.
Laurent Schiaffino
Tout ce que l'Algérie importait ou exportait transitait par L.S
Chaque cargo portait le nom d'un des membres de sa famille.
le petit nab's, autre richissime propriétaire, puissant sénateur, président de la Chambre de Commerce d'Alger et de la XXe région économique, transportait tout ce que l'Algérie importait ou exportait.
D'origine génoise, d'une famille de navigateurs installée à Alger bien avant la conquête, pour L.S l'Algérie ne fut jamais qu'un rivage d'où il surveillait la mer, assez indifférent à ce qui se passait dans son dos.
Pas un seul, non pas un seul de ces colons milliardaires ne furent inquiétés par le FLN qui avait choisi, par stratégie politique et médiatique, de s'attaquer à d'autres cibles plus innocentes, plus proches et plus révélatrices des véritables sentiments entretenus avec « les arabes ».
Amédée Froger.
Président de l'inter fédération des maires d'Algérie était Maire de Boufarik, haut lieu de la colonisation, ville symbole de l'extraordinaire acharnement des premiers pionniers qui transformèrent l'immense marécage de la Mitidja en vignobles, orangeraies et champs de tabac.
A. Froger n'était pas un colon, mais sa position de président de la caisse de solidarité, qui avait pour objet de redistribuer sous forme de crédits les sommes provenant de la contribution payée par les communes, en faisait le défenseur et le porte parole du grand colonat. Il sera assassiné par le FLN en 1956.
Encore aujourd'hui nous rencontrons un nombre impressionnant de pieds noirs, presque toujours issus de milieux modestes totalement étrangers à cette caste de grands seigneurs, qui continuent de défendre l'indéfendable et de prétendre que le grand colonat ne fut pas ce que l'on en dit.
L'histoire du nombre restreint de ces quelques familles qui se partageaient littéralement les ressources du pays est trop méconnue.
L'intégralité de ces grands propriétaires, n'ayant plus rien à espérer de l'Algérie s'en allèrent dès les premiers années de guerre, laissant les populations et les naïfs qu'ils avaient manipulé pendant des années face à leur destin.
Comme partout dans le monde, la discrétion qui enveloppe la vie feutrée de ces grandes familles est totale. Il est curieux de constater qu'aucun de ces « capitalistes » (termes employés à l'époque) ne fut inquiétés par le FLN, à l'exception d'Amédée Froger, tonitruant porte parole du grand colonat dont il ne faisait pas intégralement parti.
Il fut assassiné par Ali La Pointe, à la sortie de son domicile, rue Michelet à Alger.