« A moins de cent jours du premier tour de l'élection présidentielle, les candidats se contentent d'esquisser diverses variations possibles autour du confortable quotidien des Français, se contentant de rafistoler ou simplement de passer une nouvelle couche de peinture sur des aspects bien connus et peu risqués de la vie publique. Cette situation a quelque chose de surréaliste.
Ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande, son rival socialiste et candidat présumé insipide, ne parlent de douloureux changements en perspective. La nécessité de ces changements ne fait pourtant aucun doute.
En 2012, la France est un pays où le taux de chômage atteint 9,8%, la récession est imminente et la note AAA+ n'est plus qu'un souvenir. Toutes les réussites et le caractère unique de la France ne suffisent plus à cacher un sentiment de déclin et de perte d'identité ».
John Vinocur : « Alors que le pays semble confronté à un choix existentiel, les candidats à l'élection présidentielle répliquent par des demi-mesures et des calculs ‘petits bras', hésitant encore quand ils devraient s'engager pleinement. Leurs programmes se contentent d'égrener des généralités et de grandes idées isolées plutôt que de proposer une refonte cohérente à l'échelle nationale. En rejetant toute idée de changement structurel, les deux finalistes probables renforcent l'idée qu'en France toute réforme du système est perçue comme une menace parce que presque tout le monde a intérêt à préserver le statu quo du rôle de l'Etat. La question de la réforme du marché du travail est ainsi la grande absente de cette campagne.
A contrecourant d'une décennie où les pays d'Europe du Nord et l'Allemagne s'efforçaient de créer des cadres plus flexibles pour les employeurs et les salariés, le gouvernement socialiste a instauré la semaine des 35 heures en 2000. Aucun pays n'a suivi l'exemple français mais cette loi, qui décourage en réalité le recrutement, est considérée comme un grand progrès ».
John Vinocur : « Et Nicolas Sarkozy n'a jamais tenté de toucher à ce symbole. Enfin, pour ce qui est de la place de la France dans le monde et du rôle de l'Europe comme caisse de résonance de Paris - un argument récurrent en période de campagne -, la crise de la dette rend pour le moins improbable toute perspective d'un monde multipolaire avec l'Europe parmi ses principaux piliers. Les dirigeants français n'en démordent pourtant pas et ne s'intéressent à aucune alternative raisonnable, comme une aire commerciale transatlantique capable de faire contrepoids à la Chine.
En évitant tout engagement clair, François Hollande croit pouvoir parer les risques spécifiques menaçant de réduire son avance dans les sondages. Pendant ce temps, le président sortant s'efforce d'apparaître aux yeux des Français comme un protecteur combatif et charismatique, plutôt que comme un dirigeant prescrivant des réformes nécessaires. La France, pays d'ordinaire si créatif et si audacieux, ne propose aujourd'hui rien de neuf ou de prometteur et s'apprête à choisir son nouveau président à reculons », conclut John Vinocur.