posté le 25-01-2012 à 04:38:59
Le temps des comptes.
C'est une étude de l'Ifop qui tombe à pic pour les pieds-noirs.
Le numéro 6 de
la revue Cevifop publie en effet une analyse du vote pied-noir pour la
prochaine élection.
Le panel interrogé englobe non seulement des rapatriés, mais
aussi des descendants de cette communauté, qui, dans son ensemble, représente le
chiffre non négligeable de trois millions de votants.
Comme pour les
élections précédentes, le Front national confirme son attractivité, se plaçant
au-dessus de sa moyenne nationale (28 % et 24 % pour les descendants),
il s'effondre
dès lors qu'il s'agit des fils et des filles de pieds-noirs :
15 % contre 31 %
pour François Hollande.
On ne peut s'empêcher de rapprocher ces
résultats du très fort ressentiment exprimé par les associations de pieds-noirs
contre Nicolas Sarkozy.
Un ressentiment relayé, comme souvent dans les combats
mémoriels, par la 2e et la 3e génération, qui, 50 ans après les accords d'Évian,
ont jugé opportun de demander des comptes au gouvernement français.
En 2007, le
candidat Sarkozy avait promis la reconnaissance de la responsabilité de l'État
français de 1962 dans les crimes et les préjudices moraux et matériels subis par
les harkis et les rapatriés.
Aux yeux des pieds-noirs et des harkis (qui, avec
leurs descendants, représentent 800 000 votants), il n'a pas tenu ses promesses.
Plusieurs associations, dont JPN (Jeune Pied-Noir, proche également des harkis),
ont donc demandé aux candidats à la présidentielle 2012 de s'engager par écrit -
et non plus par oral - pour cette reconnaissance d'un "crime d'État" et la fin
de ce que l'historien Jean-Jacques Jordi, dans un livre récemment publié, a
intitulé "Un silence d'État".
Les pieds-noirs, qui ont l'impression de s'être fait abuser, sont
donc fermement résolus à passer à l'heure des comptes et à peser plus que jamais
dans une élection qui coïncide avec le 50e anniversaire des accords d'Évian (19
mars 1962) et de l'indépendance de l'Algérie (5 juillet 1962).
Deux événements
que l'État français s'est engagé, en revanche, à célébrer en grande pompe avec
l'Algérie, ce qui, bien sûr, meurtrit les pieds-noirs.
L'année s'annonce
longue et chaude :
un autre sujet de discorde, qui va dans le même sens, vient
d'éclater, comme le rapporte sur son site l'historien Guy Pervillé, professeur à
l'université de Toulouse et spécialiste de la guerre d'Algérie.
Invité à rédiger
pour le livre des commémorations nationales l'article concernant la guerre
d'Algérie, Pervillé crie à la censure, car la partie concernant la période des
accords d'Évian a été amputée des quatre cinquièmes.
Sur son blog, il restaure
la version intégrale, qui évoque les enlèvements de Français, les massacres des
harkis ainsi que le rôle du général de Gaulle.
Autant d'éléments qui ont disparu
du livre publié par les Archives de France et le ministère de la Culture.
Les anniversaires des événements historiques sont l'occasion à la fois de se
souvenir et de préparer l'avenir.
Ils sont aussi le symptôme d'une confrontation
d'un État avec son histoire et l'écriture de cette histoire.