Réponse d'un Suisse à J.L. Mélenchon :
Vous nous plaignez d'avoir refusé deux semaines de vacances supplémentaires. Ainsi, nous aurions été intimidés par nos méchants patrons.
Vous précisez même :
"Je comprends parfaitement que le patronat suisse utilise tous les arguments, dont la peur et l'insulte, contre les travailleurs".
Je ne doute pas que vous le compreniez :
la peur et l'insulte, c'est votre truc. Mais bon. Restons concentré sur le fond de votre propos.
Vous dites comprendre les patrons.
En fait, vous ne comprenez rien du tout, une fois de plus.
Il est vrai que nous avons refusé ce week-end l'initiative "six semaines de vacances pour tous".
Pour le reste, une ou deux précisions s'imposent.
La première: une partie de la gauche était opposée à l'initiative.
Quant aux patrons, loin de la peur et de l'insulte, ils ont agi avec responsabilité. Une responsabilité citoyenne. Un concept qui vous échappe peut-être.
Ce que les Suisses ont compris, eux, c'est que plus de vacances,
c'est plus d'heures sup.
Ce que les Suisses ont compris aussi, mon cher Jean-Luc, c'est que le patron est le partenaire de l'employé.
Nous appelons cela la paix du travail.
A la grève systématique, nous privilégions le dialogue, le partenariat social.
De vraies négociations branche par branche, entre gens bien élevés, sans peurs, ni insultes.
Sans méthodes de voyous.
Conséquence:
Notre marché du travail est souple, flexible et redoutablement efficace. Sans chômage, ou presque.
Le choix du peuple suisse correspond à sa maturité politique. La démocratie directe implique un grand sens des responsabilités.
Il ne suffit pas de balancer des slogans en chantant Ferrat.
Il faut penser aux conséquences, aussi.
D'ailleurs, le résultat de ce weekend n'est pas serré: l'initiative pour plus de vacances s'est naufragée dans les urnes, faisant l'unanimité des cantons contre elle.
En Suisse centrale, l'objet a été littéralement balayé, rejeté par plus de 80% des votants.
Avouez que ça fait beaucoup de Suisses tétanisés par le patronat !
Et la Suisse romande ne fait pas exception, bien que proche de vous. Certains disent même que la proximité de la France a joué contre l'initiative: pour le patron des patrons suisses,
"le modèle français a fait figure de repoussoir".
Amusant.
Comme toute la campagne en cours chez vous.
J'entendais l'autre jour Philippe Poutou à la radio.
Il est marrant, lui. Il parlait de vous (entre autres). L'homme du Nouveau parti anticapitaliste y dénonçait notamment les professionnels de la politique qui "ne connaissent rien au monde du travail" (comme vous).
S'en est suivi une apologie du candidat salarié (comme lui).
L'homme du combat contre le capitalisme n'en finissait plus de valoriser le salarié. Sans se rendre compte, visiblement, que le salarié n'existe pas sans "salariant".
En français, son patron. Le capitaliste qu'il aime tant détester.
D'abord je riais, amusé. Puis je me suis rendu compte que j'étais d'accord avec Poutou sur un point: celui qui vous concerne.
Il y a quelque chose de bizarre à entendre ces pros de la politique qui ne connaissent pas la réalité du monde du travail... mais qui en parlent quand même !
D'abord ça fait bizarre. Et puis, quand ils se mettent à critiquer des citoyens travailleurs responsables, ça devient carrément surréaliste.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mon cher Jean-Luc, vous n'en avez pas parlé à Europe 1.
Vous avez préféré poursuivre sur la voie de l'insulte et de la peur, en qualifiant la Suisse de "coffre-fort de tous les voyous de la terre".
Ah! Nouvelle erreur, mon cher Jean-Luc: la Suisse n'est pas un coffre-fort, la Suisse est un pays de travailleurs dont vous devriez vous inspirer.
En commençant par vous mettre au travail vous-même, au lieu de gloser sur les vacances des autres, du haut de votre perchoir de rentier de la politique.
Non, donc, la Suisse n'est pas un coffre-fort.
D'une part - peut-être cela vous a-t-il échappé - notre pays renonce actuellement au secret bancaire.
Mais surtout, l'argent qui va bientôt inonder nos coffres ne sera pas celui de voyous, mais d'honnêtes travailleurs français dont l'État souhaite confisquer l'intégralité des revenus, ou presque.
Pour financer, notamment, une partie de la campagne qui vous permet de nous assommer publiquement de contre-vérités.
C'est à se demander qui est le voyou : le travailleur,
ou le politique qui vit de l'argent du travailleur?
Dans l'attente impatiente de vous réentendre parler de la Suisse, je vous adresse, cher Jean-Luc, mes plus laborieux messages.
Fathi Derder, né en1970 (41 ans), journaliste de formation, j'ai travaillé pendant près de 12 ans à la radio de service public (Radio Suisse Romande), présentateur des matinales, grand reporter, puis rédacteur en chef adjoint. En 2008, j'ai lancé une télévision privée régionale dont j'étais le rédacteur en chef. Et depuis deux mois, je suis élu au Conseil National (parlement fédéral) dans les rangs PLR (équivalent UMP, en un peu plus libéral, plus centre).